Ex. 8. Procès fictif 2024

Exemple 8. Niveau Master
Le « Procès fictif » en droit de la santé (2023-2024)

1. De quoi s’agit-il ?

De nombreux enseignants pratiquent, en Facultés de Droit, le recours aux procès fictifs. En tant que tel, il ne s’agit pas d’une originalité. En revanche, il s’agit déjà peut-être de Pop’Droit comme nous allons essayer de le démontrer ici.

Concrètement, le cas pratique qui sera proposé cette année (et l’on a pris cet exemple plutôt que des anciens afin de montrer des matérialisations du Pop’Droit autant dans tous les niveaux de la Licence au Doctorat) se fera en Master Droit de la Santé.

  • Première originalité, cependant, il aura lieu entre deux promotions : celle des Master I opposée à celle des Master II (habituellement on le fait plutôt au sein d’un même groupe ou alors à l’occasion d’un concours interacadémique) ;
  • Deuxième originalité, il sera porté par un cas pratique adossé – pour le rendre plus ludique – à un ensemble de photographies (présentées ci-après) à l’aide d’un support : des jouets de la marque Playmobil (sans accord avec cette dernière mais avec la possibilité de les utiliser (comme tout autre objet) dans un cadre scientifique et non commercial). Comme expliqué supra, le recours à ce support s’est imposé à nous pendant la pandémie de Covid-19 et ce, dans un intérêt double :
  • Solliciter les mémoires visuelles et kinesthésique bien moins utilisées que la mémoire visuelle afin de procéder à une transmission du Droit autre ou parallèle ;
    • Utiliser un média (le jouet en apparence banal et sans rapport avec le Droit) pour en faire un support d’échanges et de transmission de questionnements juridiques le tout au moyen d’un format « rassurant » (qui évoque à chacun l’enfance et donc qui réconforte ou met en confiance) comme si le fait de dédramatiser les faits rendait plus accessible (ce qui n’est qu’une apparence formelle) la difficulté juridique et technique.

L’objectif assumé, cette année, est le suivant :

  • Créer pour la première fois un procès entre deux promotions / groupes d’étudiants distincts ;
  • Associer les étudiants à s’engager comme avocats (en demande ou en défense) et ce, sur la forme comme sur le fond des trois affaires créées pour l’occasion ;
  • Engager les participants à réfléchir à une question pour laquelle, en 2024, le Droit n’a aucune réponse (et où donc tout est possible dans l’absolu) imposant aux étudiants de « créer » et de proposer.

Matériellement, les étudiants auront à traiter le cas (aujourd’hui purement fictif) d’une personne qui aurait été déclarée morte (et serait donc devenue régie par le droit – même protecteur – des biens pour ensuite « revenir » à la vie impliquant des questions inédites).

2. Quel public est et/ou y participera ?

Cf. supra : il s’agit des promotions de Master I & II en droit de la santé (Université Toulouse Capitole).

3. En quoi est-ce (aussi) du Pop’Droit ?


Le Procès fictif traduit les engagements et les préceptes du Pop’Droit en ce :

  • qu’il matérialise une entrée d’apparence ludique à une question très technique et complexe en Droit. Il s’agit, en l’occurrence, de discuter d’une question de droit civil (d’état des personnes) à propos de la qualification juridique du corps humain décédé mais aussi des conséquences qu’un « retour à la vie » entraîneraient.
  • qu’il engage les étudiants à sortir du cadre habituel du cours magistral (transmis unilatéralement) vers une « pratique du Droit » souvent absente du cours magistral principalement (et c’est là son objet) tourné vers la transmission unilatérale d’un savoir allant de l’enseignant actif aux étudiants passifs.
  • qu’il « appelle » les étudiants, dans le cadre d’une compétition (ce qui rend parfois la motivation plus grande), à se dépasser et à ne pas rester en position de récepteurs d’une transmission du Droit. Ils sont au contraire engagés à créer, à proposer et à critiquer le(s) droit(s) et pratique(s) juridique(s) existantes pour « gagner » le « procès ».
  • qu’il tente de « connecter à l’actualité » ou à la réalité contemporaine d’une branche juridique (ici le droit de la santé) ce qu’un cours magistral (souvent descriptif) a d’abord essayé de présenter en le confrontant à une ou à des réalités pratiques : celle du Procès fictif, évoqué quelques minutes à chaque cours magistral, mais aussi à la réalité contemporaine des normes et de la jurisprudence en droits de la santé en faisant des ponts entre le cours, la réalité et le Procès fictif. Cette année 2024, en particulier, les étudiants de Master seront confrontés par ce procès fictif à étudier des thématiques de recherche contemporaines sur les liens entre vie, droit et mort (objet d’un projet de recherches auquel ils sont ainsi associés).

4. Photographies témoignages

Par définition, puisque l’événement n’est pas terminé au moment où ces lignes sont rédigées, il n’y a pas de photos témoignages du Procès fictif 2024. En revanche, il existe les photos (et même une petite video) du cas donnant lieu au procès fictif afin de le rendre plus concret et ludique. En voici donc les données : le Professeur Patrick Polge-Picard (que l’on appelle amicalement le « 4P » lorsque l’on a la chance d’être l’un de ses amis) est un très célèbre médecin et explorateur des terres arctiques et antarctiques à l’instar de son mentor de Vielmur-sur-Agout (Tarn), le docteur Jean-Louis Etienne.



En l’an 2000, alors qu’il est âgé de 40 ans, le « 4P » est sélectionné pour la mission du millénaire dans le cadre de l’Institut polaire français, Paul-Émile Victor (Ipf-Pev). L’objectif est simple : augmenter la présence européenne (et singulièrement française) aux pôles en construisant une nouvelle station de recherches à l’image de celle dite Dumont d’Urville créée en 1956. En outre, cette station, nommée Concordia, sera matérialisée en coopération franco-italienne (et ouverte en 2005). Dans le cadre de cette mission, on peut ainsi citer, outre le « 4P », les deux collègues italiens du Français, les docteurs Lazare Spallanzani et Paul Mantegazza. Les accompagnait aussi le docteur Georges David-Sherman, spécialiste du glycérol chargé d’en étudier les propriétés en conditions polaires.



Or, pendant une sortie exploratoire de la mission, la vie du « 4P » va brutalement changer le 18 mai 2000. La veille, le professeur Georges David-Sherman avait fait creuser dans la glace à des dizaines de mètres de profondeur des milliers de litres de glycérol afin d’en étudier les évolutions. Malheureusement, l’endroit n’était pas balisé et le « 4P », après avoir glissé, chuta dans la cuve naturelle de glycérol ainsi formée… et se refermant peu à peu.


Le 18 au soir, cependant, Patrick ne répondait plus et toute la station partit à sa recherche : en vain. Après des semaines d’exploration, personne ne le retrouva.

Il fut porté disparu et déclaré mort le 18 mai 2010.



Le mystère aurait pu demeurer entier jusqu’à ce 24 août 2024 où le fils de Georges, le professeur Jérôme David-Sherman, fut chargé d’évacuer, après carottage, des blocs de glace/glycérol afin de les analyser. Or, en donnant un coup de pioche dans l’un des blocs, Jérôme se rendit compte qu’il venait de « tomber sur un os »…. a priori humain.



Branle-bas de combat dans la station et arrivée précipitée, depuis Paris (via l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ; Ap-Hp), de collègues de Jérôme, les professeurs Ebert Ettinger, John Bedford, Alfred Velpeau (directeur du « pôle » (sic) médical créé pour l’occasion) et Jérôme Calmant. Constatant la présence d’un corps humain habillé de bleu comme les explorateurs d’il y a une vingtaine d’année, l’équipe (arrivée le 26 août) comprend immédiatement le sens de sa découverte : il s’agit du « 4P » disparu en l’an 2000.


Le Dr. Jérôme Calmant propose alors de « décongeler » le corps de « 4P » en suivant la technique (désormais éprouvée) pratiquée, en France au moins, depuis 1973 dans les Cecos (Centres d’Études et de Conservation des Œufs et du Sperme humain) pour sortir les paillettes de sperme de leur milieu cryoprotecteur. En effet, le milieu dans lequel a été cryoconservé le corps de « 4P » a semble-t-il été maintenu vingt années à -196° C et ce, alors que les litres de glycérol avaient vraisemblablement accompagné la cryogénie, aidé à la conservation corporelle et lutté contre la formation de cristaux dans les chairs, muscles, etc.



L’équipe approuve l’idée et procède à la décongélation du cadavre (qui n’enregistre au moment de sa découverte ni activité cérébrale ni impulsions cardiaque ou respiratoire). Cette mise à température du cadavre se réalise à compter du 27 août sous une surveillance médicale constante.



Et le 29 août, au matin, tous les appareils médicaux s’affolent à la fin du processus : il y aurait une reprise de l’activité tant cérébrale que cardiaque et même respiratoire ! On crie de joie dans la station bien consciente du « miracle » scientifique qu’elle est en train de « vivre ».


Dans les heures qui suivent, le « 4P », 20 ans après sa disparition, revient à la vie et semble n’avoir aucune séquelle à l’exception du bras qu’on lui a « entaillé » lors de sa « découverte » et qui demeure très douloureux.


Les étudiants de Master 2 défendront le « 4P » dans les 3 affaires le concernant. Les étudiants de Master 1 défendront celles & ceux attaqués par le « 4P » dans les 3 affaires les concernant. Les faits seront tenus pour établis (et insusceptibles de contestations). Le droit applicable est a priori le droit français en vigueur.

En effet, au 16 septembre 2024, l’avocate du « 4P », Maître Edmée de Tartas (& son équipe) ont décidé de déposer les 3 plaintes suivantes :

  • contre l’Ipf-Pev, représenté par Maître Masséna Foucart (& son équipe) ; l’institut étant accusé d’une « faute de service » pour avoir mis en danger le « 4P » et l’avoir même fait mourir après l’avoir abandonné (affaire 1 devant une juridiction administrative) ;
  • contre la famille David-Sherman, représentée par Maître Édouard Loriebat et ce, au pénal non seulement pour avoir tué le 4 P mais ensuite pour avoir tranché son bras (affaire 2 devant une juridiction pénale) :
  • contre le professeur Velpeau (représenté par Maître Jack Dubochet) et l’Ap-Hp (représentée par Maître Paul Fournier) (affaire 3 devant une juridiction administrative et/ou civile (à déterminer)).

Dans chaque Master, on constituera donc 3 équipes avec à leurs têtes un « pool » d’avocates et d’avocats référents et plaideurs (pas plus de 3).  Chaque juridiction fictive sera par ailleurs présidée, le 23 novembre 2024, par un membre de l’équipe enseignante.

Calendrier des trois procès fictifs proposés

  1. Semaine du 16 septembre : découverte des faits et des règles ;
  • Avant le 04 octobre 2024, les 3 équipes de M2 saisiront les3 juridictions pertinentes par des mémoires introductifs envoyés à l’adresse dédiée :
  • Avant le 16 octobre 2024, les 3 équipes de M2 rédigeront leurs mémoires
  • Avant le 08 novembre 2024, les 3 équipes de M1 répondront aux mémoires des M2
  • Avant le 15 novembre 2024, un dernier contradictoire pourra se matérialiser
  • Au 23 novembre 2024, les 3 affaires seront audiencées.

Il n’aura pas échappé au lecteur que les patronymes choisis pour incarner les différents acteurs de ces procès fictifs ne doivent pas grand-chose au hasard. Ils sont, eux aussi, des invitations à l’interaction et doivent pousser les étudiants à la réflexion. En ce sens, plusieurs des noms plus ou moins fictifs sont-ils ceux de personnalités qui ont été acteurs sinon moteurs des questions de cryogénie et ce, à l’instar de :

  • Lazzaro Spallanzani (1729-1799) est un biologiste connu pour ses expériences de 1776 sur des premières cryoconservations ;
  • Paolo Mantegazza (1831-1910) n’est pas que l’un des découvreurs de l’utilisation de la coca, c’est aussi le premier à avoir proposé la mise en place cryogénisée d’une banque de sperme ;


le professeur Ettinger du procès fictif
devant une photo du véritable Ettinger (père et défenseur de la cryogénie « moderne »)

Quant à Maître Edmée de Tartas,
il s’agit d’un clin d’œil cinéphile que les amateurs de Louis de Funès auront repéré
(avec ou sans Hibernatus) !